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Management bienveillant et événementiel : un mariage de raison ?

D’un côté, un management bienveillant fondé sur la ritualisation des moments d’échanges, l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, la progression au sein de l’entreprise et l’instauration d’un climat de confiance. De l’autre, des métiers de l’événementiel où les périodes de rush sont inévitables et où une organisation rigoureuse est la clé pour un événement sans trop de mauvaises surprises. Les deux univers sont pourtant loin d’être irréconciliables.

En matière de management, Gaël Chatelain-Berry s’y connaît : il a passé 20 ans en entreprise en tant que manager d’équipes de 20 à 200 personnes. En 2017, il crée le concept de management bienveillant avec un premier livre Mon boss est nul, mais je le soigne, (Marabout, 2017). L’homme est aussi expérimenté en matière d’événementiel : au sein de TF1, CANAL+, NRJ, iConcerts ou l’INA, il a contribué à produire des événements d’envergure, comme l’événement de ski freestyle X-Games, diffusé à l’international.

Kelly Youngs a de son côté  une approche plus intimiste du métier : franco-britannique, elle a travaillé des deux côtés de la Manche avant de fonder son agence, Kell Agence, à Strasbourg. Dans la capitale alsacienne, elle a créé le salon l’Expo du vélo et l’Expo de la bière. Elle accueille des stagiaires qu’elle manage elle aussi avec bienveillance et le souci de leur transmettre le métier.

Si la nature et l’envergure de leurs événements diffère, les deux professionnels s’accordent sur un point : le management est un métier profondément humain, dans lequel l’empathie et la pédagogie sont essentielles.

Gérer le stress et la charge de travail de son équipe

C’est le mal de notre époque. Aujourd’hui, le stress semble être consubstantiel au travail. À travers le monde, 84% des travailleurs déclarent être stressés, et jusqu’à 91% des 18-24 ans, selon une récente enquête réalisée auprès de 12 000 travailleurs. Si réduire ce stress semble être une évidence pour favoriser la bonne santé mentale et physique de ses équipes, cela permet également de diminuer l’absentéisme, selon la Harvard Business Review. Bienveillant ne veut pas dire peu productif !

Mais comment gérer ce stress dans les métiers de l’événementiel, où certaines périodes sont par nature plus contraignantes ?  « L’événementiel, ce sont des métiers où nous sommes sous pression, tout doit être prêt au temps T, reconnaît Gaël Chatelain-Berry. Mais dans ces moments, il n’y a rien de pire que d’ajouter du stress. » Pour lui, la clé se trouve dans l’organisation. « Pour un événement qui a lieu dans un an, tout doit être découpé en mini-tâche semaines après semaines, pour éviter de se laisser surprendre au dernier moment. Il faut des passages d’étapes rassurants.»

« Il faut être organisé mais aussi faire preuve de flexibilité, ajoute Kelly Youngs. Les choses peuvent changer très vite et il faut savoir s’adapter. Ride the wave, comme disent les Anglais – il faut faire avec le mouvement de l’événement. »

Sans oublier la compensation, s’accordent les deux managers : les heures supplémentaires doivent être rattrapées et l’événementiel se prête à la flexibilité du temps de travail.  

Favoriser le bien-être au travail

C’est l’un des points clés du management bienveillant. Mais, qu’est-ce que cela veut dire ? « C’est finir chaque journée dans le même état physique et psychologique que lorsqu’on l’a commencée », résume Gaël Chatelain-Berry. Et si on la commence mal, « il faut savoir pourquoi et peut-être rentrer chez soi », tranche-t-il. 

Le point clé du bien-être au travail ? La communication. « L’une des premières sources de démotivation en France est le fait que le manager ne dise pas bonjour le matin, raconte-t-il. On part de loin. Prendre le temps de dire merci, bravo, ça fait partie du bien-être psychologique. »

Une règle que s’applique Kelly Youngs. « Je tâche d’être présente, à l’écoute et faire attention à la manière dont je m’exprime. Je demande aux stagiaires ce qu’ils ressentent sur certaines missions. On peut en parler, faire le point, communiquer. Même si je pousse à la proactivité et à l’autonomie, je ne laisse pas quelqu’un seul. » Pour créer un climat de confiance, Kelly Youngs mise sur la réciprocité. « Je suis très transparente et je communique beaucoup, explique Kelly Youngs. Cela crée un effet miroir. Je dis aussi que je préfère savoir que découvrir. »

Et si en termes de bien-être, les babyfoots et les afterwork ont désormais mauvaise presse, attention de ne pas tout rejeter en bloc ! Gaël Chatelain-Berry prend l’exemple d’une startup passée d’un grand plateau à un immeuble de 5 étages. « Ils se sont vite rendu compte que la formidable ambiance, l’émulation entre les services, avait disparue. La directrice des ressources humaines a eu une idée très simple, relate l’expert :  installer cinq babyfoots et organiser des compétitions avec des voyages à la clé. » Pour les services qui se retrouvent autour de ces événements, l’ambiance revient. « Le babyfoot n’était qu’un moyen pour répondre à une problématique. Chaque entreprise doit analyser son bien-être, conclut l’expert. Et le meilleur moyen de savoir, c’est de demander. »

Mettre en œuvre la confiance et l’autonomie

Si cette composante est essentielle dans tous les secteurs d’activité, elle l’est plus encore dans l’événementiel où la prise d’initiatives et la créativité sont de véritables atouts. « Il n’y a rien de pire qu’un manager qui surveille en permanence ce que les employés font, prévient Gaël Chatelain-Berry. Il faut construire l’autonomie. Ça participe au bien-être des salariés parce qu’ils se sentent grandir, utiles et progressent dans leur carrière. C’est un véritable objectif pour les managers. » Là encore, l’organisation est essentielle. « C’est un gros travail de préparation. Il faut demander des points réguliers aux responsables de dossiers. Il y aura peut-être quatre ou cinq points d’étape la première année, peut-être un seul l’année suivante et aucun ensuite. Il faut bien connaître ses équipes, c’est central. »

Dans une plus petite structure, construire cette autonomie est plus fluide. « Dès le début, je les laisse faire, pose Kelly Youngs. Je préfère que mes collaborateurs apprennent par la pratique que par la théorie. » Même si ses équipes sont novices, Kelly Youngs instaure un rapport de confiance : « Je pourrai toujours rattraper les erreurs et je suis convaincue que c’est en faisant des erreurs qu’on apprend le plus ».

Des règles importantes pour le salarié… et le manager lui-même !

Selon une étude publiée en janvier 2023, 44% des managers souffrent de détresse psychologique et 38% de burn-out.  Cheffer avec bienveillance, une façon de remédier à cela ?  

« 90% des managers ont eux-mêmes des managers – qui peuvent être des actionnaires », rappelle Gaël Chatelain-Berry. Surtout, un management bienveillant et plus horizontal permet de rétablir une dynamique de groupe essentielle dans l’événementiel. « Un événement est une chaîne, image-t-il. Si un seul maillon est faible, c’est toute la chaîne qui se brise. C’est ce qui est beau : la solidarité autour de l’événement. On est toutes et tous fiers quand ça se passe bien – et ce n’est pas la responsabilité d’une seule personne. La bienveillance c’est aussi avoir cette émulation entre le manager et son équipe. C’est très dynamisant et dans ces métiers, on a vraiment besoin d’énergie. » 

L’approche bienveillante est donc bien gagnant-gagnant. Surtout, selon les deux managers, elle devrait être naturelle. « Je suis persuadée qu’il y a des gens faits pour être managers et d’autres non, pense Kelly Youngs. En France, les gens deviennent managers en guise de promotion. Il faut être pédagogue, aimer gérer des personnes. Or, plein de gens préfèrent travailler seuls. » Être un bon manager tiendrait donc à des prédispositions dans ses rapports à l’autre. « Le management n’a rien de compliqué, ce n’est que du bon sens, affirme Gaël Chatelain-Berry. Un manager doit avant tout aimer les gens. Ça semble très bisounours mais c’est très vrai. » Et dans l’événementiel, métier de l’humain par excellence, des gens qui aiment les gens, il y en a !