Attractivité des métiers : pour l’événementiel culturel, les transitions déjà en cours ont été accélérées
Post-covid, attractivité, inflation… comment va le secteur de l’événementiel culturel ? Damien Débard, consultant et formateur spécialiste du secteur et actif sur le terrain, dresse l’état des lieux.
Damien Débard est consultant et formateur pour le secteur culturel, spécialisé sur les questions de redéfinitions de projets et de management d’équipe. Il est aussi sur le terrain puisqu’il a été administrateur puis directeur programmateur d’une scène de musique actuelle à Lyon. Il s’occupe bénévolement d’un label et disquaire et est trésorier d’une compagnie qui fait tourner des groupes dans la région lyonnaise. Une activité riche qui lui offre une vision large sur son domaine. Entre problématiques d’attractivité et enjeux économiques, il dresse le bilan d’un secteur qui se sort plutôt bien des années Covid, mais rencontre des défis nouveaux. Interview.
Lorsqu’on regarde dans le rétroviseur, ces années covid ont-elles vraiment été si hors-normes ?
Je vais parler du secteur que je connais, celui des événements culturels. Pour celui-ci, oui les années covid ont été hors normes. Mais elles ont surtout accéléré des transitions déjà en place : on serait sans doute arrivé à la même situation, mais de manière plus diffuse ou lente.
Quelles transitions ont-elles été accélérées ?
Le facteur humain est celui qui a le plus peiné du Covid. Lorsqu’on a dit que le secteur culturel n’était pas essentiel, ça a été mal vécu par les équipes. Et puis il y a eu un certain épuisement, des remises en cause des pratiques managériales, des ressources humaines ou d’organisation interne. Ces pratiques étaient déjà questionnées avant le covid mais la pandémie a accéléré cette transition parce qu’elle a incité des gens à faire des choix et notamment celui de partir.
Jusqu’ici, le secteur culturel, parce qu’il était attirant, suffisait à équilibrer des conditions de travail pas toujours terribles. Aujourd’hui ça ne suffit plus. Ce problème d’attractivité est assez nouveau, et c’est pour ça que les gens sont perdus.
Comment a résisté le secteur ? Comment s’est-il adapté ?
Le secteur a plutôt bien résisté, en grande partie grâce aux aides. Sur le secteur culturel que je connais, il n’y a pas eu de disparition d’acteurs culturels notables – en tout cas pas pour des raisons économiques. C’est peut-être aujourd’hui que le secteur va être à la peine. La politique du quoi qu’il en coûte a clairement permis de surnager mais aujourd’hui l‘argent magique n’est plus là et on voit la situation économique se crisper.
Si économiquement le secteur s’en sort bien, en interne ça a été beaucoup plus compliqué. Aujourd’hui, certaines structures ont du mal à s’en remettre pour des raisons humaines : ça a été très violent pour les équipes.
Quelle est l’humeur de la profession aujourd’hui ?
Pour rester positif, on peut se réjouir. On est en 2023 et si tout n’est pas revenu à la normale, il y a du monde aux événements, il y a des concerts, du théâtre, le secteur culturel s’est parfaitement relancé.
L’humeur varie entre un vrai bonheur d’avoir pu relancer des saisons complètes, des projets sur le long terme et le volet beaucoup plus négatif lié aux problématiques humaines, à la difficulté de recruter et aux départs massifs qui ont eu lieu dans le secteur et qu’on peine à compenser. Les questions de ressources humaines sont prépondérantes dans toutes les discussions au sein du secteur culturel : les salaires, comment faire rester des gens, comment intégrer des jeunes ou de la diversité dans nos équipes.
A ces enjeux se greffent les questions économiques. L’inflation a des impacts réels très concrets et très rapides sur les structures culturelles. Pour certaines structures, la question économique est extrêmement forte avec une problématique de désengagement financier des collectivités locales.
Quelles sont les perspectives ? Quelles nouvelles tendances et opportunités dominent le secteur ?
Tout ce qui est un sujet aujourd’hui dans la société devient un sujet pour la culture et l’événementiel culturel. Il est aujourd’hui difficile de mener une structure, un festival ou une compagnie sans porter une attention particulière aux questions d’environnement ou d’égalité femme-homme. C’est une bonne chose, mais ça nécessite pour les gens, notamment ceux qui sont là depuis longtemps, de revoir leur fonctionnement et leur positionnement.
L’événementiel éco-responsable est-il une chance ou représente-t-il davantage de contraintes ?
Pour moi, c’est une vraie opportunité qui passera sans doute par la contrainte. La pression s’accentuant, il y aura par exemple pour les structures qui reçoivent des aides publiques une corrélation forte entre des actions concrètes et l’attribution ou non de subventions. Cela commence déjà à se mettre en place.
Je vois le verre à moitié plein. Par exemple, se pose clairement aujourd’hui la question d’arrêter de croitre. Certaines structures réfléchissent à organiser des tournées de manière différente, en multipliant des événements de plus petites tailles pour s’aligner sur les exigences écologiques.
En 2024, la France va accueillir les JO. Cela va-t-il profiter au secteur de l’événementiel culturel ?
Étant donné le caractère très exceptionnel de l’événement, il y a sans doute des choses à faire. En région parisienne, un certain nombre d’événements, y compris culturels, se mettent en place en amont de l’ouverture des jeux. D’autres, au contraire, devront être déplacés ou annulés. Cela fait l’objet de négociations mais ce n’est toujours pas réglé et je perçois une certaine inquiétude du secteur.
De quoi a besoin le secteur pour se solidifier, s’épanouir, se remettre vraiment ?
Il faut réintégrer le facteur humain au sein des équipes. Aujourd’hui, l’ambition numéro 1 est de gagner en attractivité. Cela veut dire revoir des modèles de fonctionnement ancien et s’adapter à une génération qui veut travailler différemment. Il faut gagner en souplesse. Aujourd’hui, 90% des structures avec qui je travaille sont confrontées à ces questions : comment créer une dynamique interne et garder des équipes soudées quand les salariés ne sont pas là la moitié de la semaine. Ces questions RH sont aujourd’hui de vraies problématiques.
La question économique est essentielle. Comment garder une petite marge économique sans systématiquement aller chercher l’argent auprès du public qui lui-même subit l’inflation. Certains secteurs, comme le théâtre, peinent aujourd’hui à aller chercher au-delà de leur public conquis. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le budget culturel n’est pas le premier à être touché mais il commence à être rogné. Ce volet économique est important et il faut s’en saisir pour les années à venir.
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