Au sein des événements de grandes entreprises, une nouvelle profession fait son apparition entre les petits-fours et les performeurs : des tarologues ou cartomanciennes, venues lire dans les cartes des morceaux de vie de vos invités
Son outil est un « un guide de la vie pratique pour répondre aux questions existentielles comme aux questions les plus triviales ». Delphyne Veyrat est tarologue, et officie sous le nom de Rising Utopia. Composé de 78 cartes, le tarot est composé de 22 arcanes Majeures et 56 Arcanes Mineurs. Les premières se fondent sur des archétypes tandis que les seconds représentent des actions et des événements de la vie, explique Delphyne Veyrat sur son blog. Pour obtenir une réponse, ou des pistes de réflexions, il faut poser une question ouverte afin « d’élargir les champs des possibles » : vous pouvez ainsi demander où vous en êtes d’une situation, ou comment faire pour tirer parti d’une autre.
Une pratique à la croisée du développement personnel
Si l’outil divinatoire peut ouvrir les horizons à la personne qui consulte, « le tarot ne dit jamais ce qu’il faut faire, prévient la tarologue. Le libre arbitre est essentiel ! Il va y avoir des ouvertures qui vont créer des stimulus et motiver la personne à aller vers ses propres réponses. En général, la personne qui consulte connaît déjà la réponse à sa question, elle a juste besoin d’une validation. » Delphyne Veyrat, formée au tarot en 2010 à San Francisco, la « Mecque du New Age », pratique le tarot psychologique qu’elle considère comme un outil de coaching. Elle revendique une démarche anti-déterministe, dit-elle. « La personne a les rênes de sa vie entre les mains. Il y a des événements extérieurs qui peuvent venir perturber nos décisions, mais on reste maître des choses qu’on peut contrôler. »
Et Delphyne n’est pas la seule à proposer ses services dans le cadre d’évènements. Júlia Salomé, alias Astrokiff, utilise de son côté un oracle fondé sur les figures de l’astrologie – là encore des cartes, mais qui s’appuient sur les caractéristiques du zodiaque et des signes planétaires. Passionnée d’astrologie depuis ses 13 ans et formée auprès de sa tante elle-même astrologue, elle assume davantage le caractère divinatoire de sa pratique. Elle rejoint néanmoins Delphyne Veyrat sur l’importance sur libre arbitre et met elle aussi une touche de développement personnel dans sa pratique. « Il faut trouver les bons mots pour stimuler les personnes sans qu’elles se sentent enfermées dans la divination. »
Dans tous les cas, dit-elle, dans le cadre d’événements, les marques lui demandent souvent de ne pas faire de prédictions négatives. « Il faut savoir apporter l’information sans mentir et rehausser la lecture pour que la personne puisse en tirer parti », explique Astrokiff. Même approche chez Delphyne Veyrat. « Je ne parle pas de santé, je ne donne pas de conseils financiers. Je fais une forme de coaching et j’essaie d’être toujours positive. Au pire, quelque chose peut vous faire cogiter mais l’idée n’est pas de vous plomber l’ambiance, bien au contraire. » Sur son site, elle a publié un code de déontologie. « Nos paroles peuvent avoir du pouvoir, reconnaît-elle. Il ne faut pas semer de mauvaises graines. »
« Les gens aiment qu’on leur parle d’eux »
Dans l’événementiel, la tendance prend et une variété de marques se sont prêtées à l’exercice. Si Júlia Salomé officie principalement auprès des maisons de couture – sur son CV figurent entre autres Gucci, Dior, Miu Miu, Pomellato, Off White… -, Delphyne Veyrat compte parmi ses clients des acteurs plus institutionnels : SNCF, Crédit Agricole, Meilleurs Agents ou encore le cabinet de conseil Ailancy. Mais pour elle aussi, le secteur du luxe est un vivier important de clients ( Chanel, Maje, L’Oréal…).
Pour les marques, faire appel à leurs services est l’occasion de surfer sur un renouveau de la figure de la sorcière et de l’esthétique ésotérique. « Sur TikTok, le #astrology a généré 54 milliards de vues, de vidéos, le #witchtok, 40, le #starseed, plus de 1 milliard », souligne le média L’ADN dans son numéro consacré aux nouvelles spiritualités. « Dans le dernier recensement anglais et gallois, paru fin 2022, le chamanisme apparaît comme la religion qui progresse le plus et le plus vite », ajoute la journaliste. Mais les cartomanciennes insistent aussi sur le côté divertissant des tirages. « C’est amusant, on s’assoit face à l’imprévu et il y’a une sorte de déclic. Et puis il y a le côté grisant de se connecter à quelque chose qu’on ne comprend pas, qu’on ne s’explique pas. On est dans un monde très préhensible et là, on se confronte grâce au hasard à quelque chose qui, sans que l’on sache pourquoi, pourrait marcher. » Même les plus récalcitrants se prêtent au jeu : « les gens sont souvent assez bluffés. On crée de la magie », relate Delphyne Veyrat.
D’ailleurs, Astrokiff comme Rising Utopia l’affirment : la file d’attente pour assister à leurs sessions, souvent des tirages express d’environ 5 minutes par personne, ne désemplissent pas. « Les gens aiment qu’on leur parle d’eux », concluent-elles toutes deux de cet engouement. Pour les participants, c’est aussi l’occasion de nouer un contact plus intime entre eux dans le cadre d’événements professionnels. « Souvent, je vois que les gens qui font la queue ensemble et s’attendent pour parler de leurs tirages », témoigne Delphyne Veyrat. Dans des événements où briser la glace peut être un défi, ces conversations à cartes ouvertes offrent une opportunité ludique et originale de créer des interactions plus profondes.
