Il paraît qu’ils ne veulent plus travailler, valorisent davantage leur vie privée et attendent des engagements écologiques de la part des entreprises qui les emploient. C’est vrai : les jeunes ont des exigences. Et si le secteur de l’événementiel veut continuer à les recruter, il va falloir s’adapter… Alors, l’événementiel est-il jeune compatible ? On relève les compteurs, avec Nunzia Passacantando, directrice duMBA communication et management événementiel de l’EFAP.
Flexibilité du temps de travail : 7/10
Le constat : Dans son enquête « La reconquête du temps perdu », Ipsos montre qu’à travers le monde, le temps est une préoccupation centrale et que l’une des priorités des sondés est de rééquilibrer vie pro et vie perso. Dans une autre étude, Ipsos, toujours, montre que 73% des gens désirent ralentir le rythme de leur vie.
Et dans l’événementiel ? «Tout dépend dans quelle structure on travaille, pose Nunzia Passacantando. En agence, les rythmes peuvent être très intenses : on gère plusieurs projets en même temps avec des échéances qui se suivent.
Chez un annonceur, cela dépend de la taille et du secteur d’activité. L’événementiel peut être géré par le département communication et donc être une des tâches parmi les autres. Certains secteurs ont des activités événementielles très intenses. Par exemple, l’industrie pharmaceutique à des congrès médicaux plusieurs fois par an dans différentes destinations du monde. D’autres secteurs ont un rythme plus lent avec des événements une fois par an.
En freelance, on est notre propre entrepreneur et donc on a le choix des projets sur lesquels on travaille et de la fréquence à laquelle on prend les dossiers. Dans ce cas, l’événementiel correspond parfaitement à cette exigence de flexibilité.
Les agences ont beaucoup évolué et la plupart ont mis en place des rythmes qui permettent aux directeurs·trices de projets d’avoir des temps de récupération et de repos. »
Sens au travail : 9/10
Le constat : Selon une étude menée par l’entreprise de logiciels en ressources humaines iCIMS publiée en juin 223, 49% des jeunes diplômés se posent la question de savoir si le poste auquel ils aspirent est porteur de sens. C’est d’ailleurs le premier critère – hors salaire – pour postuler ou non à un emploi.
Et dans l’événementiel ? « La signification du mot ‘sens’ est individuelle et personnelle, rappelle Nunzia Passacantando. Est-ce que c’est le sens d’avoir un métier qui permet de voyager, de voir des endroits extraordinaires, d’avoir un rythme de vie que l’on peut choisir… ? Dans ce cas là, oui, l’événementiel a du sens.
L’événementiel recouvre de nombreuses missions. On peut travailler dans des projets humanitaires. Par exemple, le Téléthon est un projet événementiel avec des sujets très engagés, porteurs de sens. Il y a d’autres missions plus corporate et dans ce cas-là il faut se reconnaître dans la marque qui porte l’événement.
De manière générale, l’événementiel est un projet commun, qui nécessite plusieurs expertises et parties prenantes – les techniciens, les corps de métiers, les lieux, les prestataires. Il faut beaucoup d’intelligence, de savoir-faire et de savoir-être. Une des plus grandes richesses est ce collectif. Chaque projet est différent et apporte de la connaissance, un réseau, amène à côtoyer plusieurs cultures et environnements professionnels. On s’enrichit personnellement et collectivement. »
Impact écologique : 8/10
Le constat : Ils font partie de la génération qui a séché les cours le vendredi pour manifester pour la planète. Pas question de retourner sa veste une fois intégré au monde du travail. Pour vérifier cette intuition, le collectif Pour un réveil écologique et l’institut de sondage Harris Interactive a sondé en juin 2023 plus de 2000 jeunes de 18 à 30 ans. Résultat : 7 jeunes sur 10 affirment qu’ils pourraient renoncer à postuler dans une entreprise qui ne prendrait pas suffisamment en compte les enjeux environnementaux. Et 57% d’entre eux envisageraient de quitter un emploi s’ils estimaient que leur entreprise ne prenait pas suffisamment en compte les enjeux environnementaux.
Et dans l’événementiel ? « Aujourd’hui un événement se doit d’être RSE et éco-responsable, affirme Nunzia Passacantando. Ce n’est plus une option ni pour les clients, ni pour les marques et les visiteurs. On conçoit les événements en partant de ces éléments pour qu’ils aient le moins d’impact carbone et aient au contraire un fort impact social.
C’est d’ailleurs une discipline enseignée dans le MBA : on apprend à nos étudiants à concevoir des événements éco-responsables.»
Perspectives d’évolution : 9,5/10
Le constat : La possibilité d’évoluer au sein de l’entreprise reste parmi les critères essentiels pour les salariés. Ainsi, selon un sondage publié en 2023 par Le Parisien et Opinion Way en partenariat avec McDonald’s, les jeunes de 18 à 30 espèrent rester en moyenne 9 ans dans la même structure. Pour 62% d’entre eux, évoluer dans sa carrière signifie changer de poste au sein d’une même entreprise et 8 jeunes sur 10 espèrent une augmentation de salaire au bout de 2 ans ou moins.
Et dans l’événementiel ? « Il est très facile de devenir son propre patron en événementiel, confirme Nunzia Passacantando. Notamment en freelance. Avec l’association des Freelances de l’événementiel créée en 2020, les indépendants ont accès à un espace collectif. Les missions fonctionnent sur un tarif jour assez adapté avec un bon taux de rentabilité.
En agence, l’avancement est presque systématique. On commence par être un assistant chef de projet, et au fur à mesure on grandit en responsabilités, en connaissances, en pertinence. L’événementiel étant un secteur très porteur en France, les agences et les annonceurs sont toujours en recherche.
Pour créer sa propre agence, il faut des compétences techniques mais il faut surtout une vision, comprendre l’environnement marketing et stratégie des marques. On peut créer des agences 360° mais aussi des agences pour fournir une partie des prestations dont l’événement a besoin : visuel, hôtesse… Il y a tellement de métiers dans l’événementiel que créer une structure est une évolution naturelle. »
Risque de se faire remplacer par une IA : 1/10
Le constat : C’est la menace qui fait trembler tout le monde et aucun secteur n’est à l’abri. 80% de la main-d’œuvre américaine pourrait voir au moins 10% de ses tâches de travail affectées par l’introduction des IA, selon Open AI. 25% des tâches pourraient être automatisées pour 300 000 emplois supprimés à travers l’Europe et les États-Unis, selon une étude de Goldman Sachs. “Seulement” 9% des emplois susceptibles d’être menacés, nuance l’OCDE. Si l’ampleur des répercussions est difficile à estimer, les préoccupations sont là.
Et dans l’événementiel ? « Je ne crois pas que les métiers de l’événementiel soient à risque, rassure Nunzia Passacantando. L’événementiel est un ensemble de prestations liées entre elles pour que l’événement se déroule parfaitement. Le maître de cérémonie est le directeur de projet ; avec le directeur de production, il fait cohabiter les différentes exigences, assure la fluidité du projet et crée la magie. Il n’y a pas une intelligence mais plusieurs intelligences – c’est l’essence du collectif. Aujourd’hui, l’IA n’est pas en mesure de remplacer ces métiers-là.
Il s’agit néanmoins d’une aide importante. Par exemple, dans la direction artistique, il faut faire des roughs assez techniques pour illustrer la vision d’un décor, d’un lieu spécifique. Aujourd’hui, cela est rendu possible à bas coût par l’IA. C’est une évolution, une aide à la profession, pas un produit de remplacement. »
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