Comment la Génération Z appréhende-t-elle l’événementiel ?
Contrairement aux clichés, la génération Z est avide d’expériences et de sensations. Une bonne nouvelle pour le secteur de la communication événementielle qui se distingue par son artisanat de l’émotion et du relationnel.
Connectés, engagés, en tribu, les moins de 25 ans sont des participants d’événements exigeants. Passons-les aux rayons X et Y des générations précédentes
Ils ont entre 11 et 25 ans. Ils représentent 32% de la population mondiale. On les appelle « social natives », parfois « sustainable natives ». Ils sont hyperconnectés, mais très engagés. Contrairement aux clichés, la génération Z est avide d’expériences et de sensations. Une bonne nouvelle pour le secteur de la communication événementielle qui se distingue par son artisanat de l’émotion et du relationnel.
Là où la génération précédente est née en pleine expansion économique pour arriver sur un marché du travail sinistré par la crise – et a donc découvert l’activisme social et environnemental sur le tard, la génération Z, elle, n’a connu que la crise et se retrouve donc prête à défendre ses valeurs.
Intrinsèquement engagée
« La génération Z ne croit pas que demain sera forcément mieux qu’hier. Elle est consciente que les dérégulations socio-économiques, sanitaires et environnementales pèsent sur le futur du monde », appuie l’anthropologue Elisabeth Soulié dans son dernier ouvrage, La génération Z aux rayons X (éd. du Cerf, 2020). « Ouverte, tolérante, la génération Z aspire à ce que les valeurs d’humanité, de générosité, de respect soient au cœur de son action et dans des projets riches de significations ». Une étude réalisée par la plateforme de formation Diplomeo en mars 2019 auprès d’un panel de 18-23 ans révèle que 94% des jeunes se disent inquiets vis-à-vis de la situation environnementale. 27% affirmeraient avoir participé aux marches pour le climat.
« Un public jeune, exigeant qui a une envie très forte d’engagement et de transparence »
On a demandé à Marie Sabot, directrice générale de We Love Green, un festival engagé particulièrement “prisé des 18/30 ans” comment et pourquoi le festival fonctionne de manière éco-responsable depuis ses débuts. « On a un public jeune, exigeant qui a une envie très forte d’engagement et de transparence ». Le festival carbure à une énergie 100% renouvelable, aux eco-cups, à la valorisation des matériaux et des déchets générés. L’équipe a mis en place avec Ecosia un dispositif de compensation carbone : à chaque festivalier, un arbre planté. Pour rester green, WLG fait évaluer chaque année sa production par l’ONG, A Greener Festival qui audite plus de 500 événements dans le monde.
Si sur le plan artistique et le booking d’artistes, le festival est en butte à « une génération de managers d’artistes de la vieille école, en place depuis 20 ans, qui peuvent avoir du mal à faire la transition », l’équipe réussit à interpeller les artistes avec sa démarche. « Ordinairement, les grandes productions de spectacle se déplacent par semi-remorques ». Sur la prochaine édition, Marie Sabot et son équipe vont au-delà de la compensation carbone et aident des groupes de la dimension de Massive Attack et Gorillaz à « réfléchir à recruter et former des équipes locales, à construire les décors en local ».
Au-delà de l’écologie, les jeunes Z sont sensibles à l’inclusion jusque dans les détails. Maïwenn de Villepin, connectrice France du OuiShare Fest, nous raconte comment leur équipe majoritairement composée de membres de la génération “Millenial”, a décidé, après discussion, de passer leur communication à l’écriture inclusive. « Pour Romain qui fait partie de l’équipe de com’ chez nous et qui a moins de 25 ans, ce n’est même pas un sujet ».
« Si les générations précédentes étaient dans “l’avoir” (des biens de consommation, par exemple) ou « l’être » (le mythe du self made man des années 1970), ou encore « la réalisation de soi » dans un projet (archétype de la modernité), la génération Z aspire, elle, à « vivre » en ce sens qu’elle veut éprouver sans cesse l’évidence de son existence en vivant des expériences qui font vibrer ses sens », étaye Elisabeth Soulié dans son livre. Et pour cause, près d’un cinquième des jeunes Z préférerait dépenser de l’argent pour s’offrir des expériences plutôt que des produits.
« A la possession de biens matériels et à l’hyper consommation de masse, elle préfère bien souvent vivre des expériences immatérielles, plurielles, uniques car ultra-personnalisées et singulières ». Autrement dit, traduit l’anthropologue, « elle ne veut pas acheter un parfum, elle préfère vivre une expérience olfactive ». Des expériences uniques, on l’a compris, tournées vers le collectif. Si la génération Z cherche à s’épanouir, poursuit Elisabeth Soulié, elle souhaite le faire dans des projets, des moments, des expériences vécues à plusieurs, ensemble. « Née dans un monde de réseaux multiples, elle est profondément sociale ». Elle fonctionne en tribus.
« C’est trop important de se retrouver dans la vraie vie »
Pour autant, la crise sanitaire aura-t-elle eu raison de son désir de se rassembler ? Pas du tout, explique Maïwenn de Villepin du OuiShare Fest qui aura lieu en juin prochain (si la situation sanitaire le permet). « On a beaucoup entendu de la part des participants : ‘ C’est trop important de se retrouver dans la vraie vie ’ ». Et pour cela, les Z sont prêts à montrer patte blanche avec des tests PCR ou antigéniques. « On est face à une génération extrêmement pragmatique. Pour se rassembler à nouveau, ils sont prêts à se faire tester, oui », analyse Marie Sabot. L’équipe de We Love Green a ainsi mené un sondage dans lequel son public à 88% déclare être prêt à présenter à l’entrée un résultat négatif de test PCR ou antigénique. A 82%, ils seraient disposés à activer Tous Anti Covid pendant l’événement et à 80% à porter un masque pendant le festival.
En ligne ou en physique, même combat
Pour se réunir, les plus jeunes n’ont pas attendu la possibilité de tests. Le Gen Z a un autre pouvoir : il a reçu son premier téléphone portable à l’âge de 10 ans. Il a grandi en jouant sur le smartphone ou la tablette de ses parents. Autant dire qu’il est né dans la marmite connectée. En bon digital native, les lieux de rassemblement sont réels comme virtuels. « La génération aime à se retrouver dans des espaces et des lieux tribaux, aussi virtuels, réels, physiques et symboliques », écrit Elisabeth Soulié. Et ces lieux tribaux peuvent être sur des jeux en ligne, des hackathons, des soirées en club comme aussi des afterworks.
Depuis mars 2020, les festivals, soirées festives et événements pro se sont déportés sur les métavers, univers sur lesquels on évolue sous forme d’avatars. Le jeu Minecraft a ainsi accueilli une série de soirées organisées par Club Matryoshka et Open Pit. L’application sociale IMVU qui a séduit 7 millions d’utilisateurs dont une grande majorité est issue de la génération Z déclare que tous les mois, 18 000 événements virtuels ont lieu sur sa plateforme.
A Amsterdam, l’agence publicitaire Achtung! a reconstitué virtuellement des bureaux pour réunir autour d’un verre ses 70 employés et sortir de la « Zoom fatigue ». « Même en ces temps étranges, c’est important de rester en contact les uns avec les autres. Et pas seulement pour discuter de l’état d’avancement des projets, mais aussi pour s’amuser, se rattraper, s’inspirer et terminer la semaine ensemble », explique au média néerlandais AdFormatie leur directeur créatif, Jasper Janssen.
C’est d’ailleurs l’approche qu’a adoptée Ouishare Fest pour son événement presse annonçant la tenue du festival. Il a eu lieu sur Gather Town, une plateforme permettant aux gens par la vidéoconférence et le jeu vidéo de socialiser. Les utilisateurs prennent la forme d’avatars et circulent dans l’environnement virtuel. Lorsqu’ils se croisent, les caméras s’activent et ils peuvent discuter. « On a créé un univers virtuel où au coin du feu, on peut se réunir autour d’un concert, d’un blind test. Plus loin, l’utilisateur peut participer à une conférence ». Pour l’édition 2020 de sa conférence, le Laval Virtual a migré complètement sur Virbela, une autre plateforme virtuelle et a réuni 6500 professionnels issus de 110 pays. Autant de pratiques qui sauront séduire le Gen Z, hyperconnecté, mais aussi, on le rappelle, écolo. En virtuel, la fête est plus « verte ».
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