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Après la Coupe du monde au Qatar, comment rétablir la norme ISO au sein de la filière événementielle ?


La Coupe du monde au Qatar a été certifiée ISO 20 121. Celle qui accompagne les agences à maîtriser leur impact social, économique et environnemental de leurs événements, est-elle encore crédible ?

C’est un coup de massue dans le milieu de l’événementiel : en juin 2022, la Coupe du Monde de Football au Qatar a obtenu la norme ISO 20 121, norme qui récompense les bonnes pratiques environnementales mais aussi sociales du secteur de l’événementiel.

Les militants écologiques crient au scandale tandis que les agences événementielles qui ont parfois investi beaucoup de temps et d’argent pour obtenir la certification née en 2012 à l’occasion des Jeux Olympiques de Londres, font grise mine.

Comment se relever après cette mauvaise publicité et regagner la confiance des professionnels ainsi que du grand public ? Quelles garanties doit développer la norme ? Quelles ont été les conséquences sur le milieu de l’événementiel ? Nicolas Turpin, président de l’agence EKO Events, membre de la commission de rédaction de la norme ISO 20 121, et François Marcadé, président de l’agence Marcadé Event ont discuté de l’avenir de cette norme internationale.

En tant que directeurs d’agences événementielles, quelle a été votre réaction face à la certification ISO 20 121 de la Coupe du monde du Qatar ?


François Marcadé : J’étais assez dégouté mais ce n’est pas la faute de la norme. La norme ISO n’est pas là pour nous empêcher de faire notre travail, elle a pour vocation de nous faire entrer dans un cercle vertueux. Le problème date d’il y a 12 ans, lorsque la Coupe du monde de football a été attribuée au Qatar. Cette norme nous apprend à mieux gérer nos évènements. Le Qatar était dans l’embarras et la norme ISO a tenté de faire ce qu’elle pouvait pour améliorer au mieux l’image de cet événement. De ce point de vue là, c’est très réussi. Mais cela reste un énorme scandale, c’est certain.

Nicolas Turpin : Je suis d’accord à 200 %. J’ai été stupéfait puis indigné. La norme n’est qu’un outil, c’est loin d’être une fin en soi. Ce qui est gênant, c’est que des organismes de certification acceptent de certifier cette Coupe du monde. Le Qatar a tenté le coup et en face, il y a un cabinet qui a accepté de certifier cet événement incertifiable.

Comment ces cabinets ont-ils pu attribuer la norme ISO 20 121 à la Coupe du monde ?


Nicolas Turpin : Il y a une norme internationale qui est pilotée et portée par l’organisme ISO. Quand le comité d’organisation de la Coupe du monde au Qatar propose de se lancer dans la démarche ISO 20 121, malgré les milliers de morts et l’impact écologique, il lance un appel d’offres. Un organisme de certification, un tiers indépendant, remporte ensuite le marché et réalise un audit. Mais la norme ISO 20 121 est un système de management responsable, elle n’est pas contraignante. C’est là toute sa force et son intérêt pour nos métiers. La méthodologie est faite pour que chaque organisation, quelle que soit sa taille, puisse se l’approprier et l’utiliser à sa mesure. Il y a des passages obligés, certes, mais chacun l’organise selon son axe, sa vision. L’ISO n’y peut strictement rien.

François Macardé : Les organismes qui nous auditent, ne sont pas là pour rendre un jugement moral. Ils se basent sur un certain nombre de critères et nous leur présentons des documents qui déterminent leur conformité ou non. Si le Qatar a bien montré tous les documents, tout ce qu’ils ont mis en place, il n’y a pas de raisons qu’il n’ait pas la certification.


Quelles sont selon vous les principales failles de cette norme ISO ?


Nicolas Turpin : Le monde de la norme ne fait pas partie de la culture du monde de l’événementiel et de la communication. Contrairement à l’industrie, il y a un vrai manque de connaissance du normatif. Aussi, certains retours montrent que la norme n’est pas facile à mettre en œuvre. Pour cela, il faut comprendre le processus de création. Nous étions trois pays à rédiger la norme, le Royaume-Uni, la France et le Brésil. Il y a des différences d’enjeux selon les pays. C’est le cas du travail des enfants par exemple qui est présent dans certains pays alors que ce n’est pas du tout le cas dans d’autres. Dans le cadre d’une norme internationale, il faut faire preuve de consensus. Après dix ans de vie, il est logique de se poser les bonnes questions sur son évolution avec les retours d’expériences de chacun. Et justement la France occupe une place à part au niveau mondial puisque nous sommes le premier pays au monde pour la norme ISO 20121.

François Marcadé : C’est un système qui a changé notre manière de travailler. Désormais, nous réfléchissons en amont à l’impact que peuvent avoir nos événements, ce qui permet également de questionner l’entreprise, de la repenser. Il est vrai que l’aspect administratif nous a posé problème, car c’est tout une équipe qu’il faut mobiliser. Mais quand on comprend le fonctionnement c’est intéressant. Finalement, c’est davantage un système qu’une norme.

Nicolas Turpin, vous participez à la réécriture de la norme ISO. En quoi consiste ce travail ?


Nicolas Turpin : Nous avons effectué un vote avec plusieurs pays pour savoir s’il fallait la réécrire et aujourd’hui le chantier est acté. Nous allons définir un groupe de travail en début d’année pour un livrable en juin 2024. C’est Paris 2024 qui va piloter le groupe de travail pour la France dans un souci d’héritage immatériel comme ce qui a été fait avec Londres en 2012. Deux points vont être abordés dans cette deuxième version. La première, la notion d’impact positif sur l’environnement et la société. Ensuite, nous allons tenter de nous rapprocher des objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU.


Que conseillez-vous aux agences qui souhaitent s’inscrire dans la norme ISO ?


Nicolas Turpin : Il ne faut pas considérer la norme ISO comme une fin en soi, c’est un outil avant tout. La norme ISO 20 121 a des imperfections mais elle a été écrite par des professionnels de l’événementiel pour le secteur de l’événement. Cela ne reste qu’un outil au service des transitions. Ce n’est pas parce qu’on est certifié ISO que l’on peut se mettre les mains dans les poches. C’est pour cela qu’il faut dissocier ce qui est possible de ce qui est éthique ou juste. Rien n’empêche de rouler en Hummer tout en ayant recours à la compensation carbone. En revanche, d’un point de vue éthique, c’est plus que discutable.


François Marcadé : C’est un système de management, mais en aucun cas une caution. Sinon cela deviendrait une caricature risible qui pourrait être complètement décrédibilisée par l’histoire de la Coupe du monde.

Sans certification et donc obligation, l’événementiel français sait-il être responsable ?


François Marcadé  : La norme n’est pas une obligation du tout mais elle a le grand mérite de nous aider à structurer notre pensée et nos actions. Sans elle, je crois que nous n’aurions fait que des petites actions ponctuelles, utiles mais pas suffisantes. La norme nous ouvre intuitivement les portes d’un système de management qui change la vision de l’entreprise.


Nicolas Turpin : Comme évoqué précédemment, la norme ISO 20121 n’est qu’une solution, parmi d’autres, au service d’un engagement responsable. Une agence peut tout à fait être exemplaire sans cette norme et c’est la sincérité de sa démarche et l’engagement des responsables (conviction et moyens dédiées) qui comptent. Cependant le déclaratif n’est plus suffisant, il faut donc être en mesure de prouver et documenter ses actions. Au-delà d’une approche RSE, la norme ISO permet également de mieux structurer une entreprise pour la rendre encore plus efficiente et orientée qualité.

Certifié ou non, l’événementiel français s’engage et progresse dans ce long chemin qu’est la transition écologique. La première des solutions ? La volonté d’agir sur son écosystème. Retrouvez ici notre article consacré aux événements responsables.